Humanisme et agilité, fin d’un paradigme managérial ? (1)

le 9 avril 2015

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Serions-nous en train de vivre la fin d’une période ? Et si l’agilité, celle portée par les méthodes agiles, était un moyen d’accompagner un mouvement de recentrage sur la valeur essentielle qu’est l’humain ? L’émergence d’un management humaniste est-elle inéluctable ?

La parution d’articles ou d’ouvrages tels que Liberté & CieLiberté & Cie, Quand la liberté des salariés fait le succès des entreprises, Isaac Getz, Brian Carney, Flammarion, 2013 ou encore Les employés d’abord, les clients ensuiteLes employés d’abord, les clients ensuite, comment renverser les règles du management, Vineet Nayar, Editions Diateino, 2011, des conférences, des blogs… sont autant de signaux qui m’interpellent.

 

L’ancien paradigme managérial

Un paradigme est une représentation du monde, un modèle, un ensemble de croyances. C’est une sorte de « rail de la pensée ».

Et voilà comment on est conditionné, comment on se crée des a priori, des schémas que l’on reproduit … C’est ça un paradigme.

 

blog7Quel est notre paradigme managérial ? Hérité de la lutte des classes et du taylorisme, notre modèle managérial pourrait se résumer à ces quelques mots : méfiance, coercition, frustration, autocensure, contrôle et reporting, retrait ou passivité. Dans notre inconscient collectif, il est inscrit que le chef est l’Autorité, c’est lui qui sait, donc qui décide et qui a raison.

A leur décharge, ces managers n’ont souvent pas appris à être manager, pas même dans les écoles de management, où on apprend plutôt à gérer et à contrôler.

Alors, ils endossent la panoplie du chef et s’en vont « jouer au chef », en improvisant ce nouveau rôle, comme ils le peuvent ou comme ils ont vu faire.

 

L’absence de confiance fait que l’on met en place une bureaucratie lourde : ces managers vont faire respecter les engagements pris en haut-lieu, contrôler les processus/les résultats, piloter avec des KPIKPI, les indicateurs-clés de performance, suivre la productivité…On nomme des cadres à plusieurs niveaux pour prendre des décisions (considérant que les personnes des niveaux inférieurs ne sont pas aptes à les prendre) et pour contrôler qu’elles sont bien appliquées.

 

blog8Quelles sont les conséquences de tout ça ?

Le résultat est que 50% de notre énergie est consommée à lutter contre la bureaucratie ; et que l’on voit apparaître de nouveaux maux, comme l’épuisement moral, le burn-out et les risques psycho-sociaux.

N’est-il pas temps de trouver de nouvelles solutions ?

Les nouvelles générations nous y poussent  fortement :

  • Les jeunes sont peu impressionnés par la hiérarchie ;
  • Ils se lassent vite, ont besoin de « fun » ;
  • Titres et statuts ne les concernent pas, c’est le sens et le contenu de leur mission qui les intéressent;
  • Ils aiment apprendre, partager, ils sont transparents, sinon, on leur fait perdre leur temps.

 

Un management plus humaniste

La réponse à ces constats ne réside-t-elle pas dans un management humaniste, qui s’attacherait d’abord aux personnes et à leur bien-être ?

L’humanisme est, au départ, un courant datant de la Renaissance, qui vise à diffuser très largement les savoirs et la culture pour développer les capacités intellectuelles de l’homme ; les humanistes considèrent que si l’homme est instruit, il conserve son libre-arbitre et est responsable de ses actes.

Un manager humaniste considère, avant tout, le collaborateur comme un homme ou une femme, avant une fonction ou une compétence. Le manager humaniste cherche à rétablir la confiance et à comprendre comment la personne fonctionne ; à partir de là, il s’attache à créer un cadre dans lequel le collaborateur est le plus à l’aise pour être performant.

 

Quels sont les fondements d’un management humaniste ?

L’homme est un être d’émotions

Nous devons reconnaître le pouvoir des émotions, car elles nous freinent ou, au contraire, nous poussent à aller de l’avant (etymologie : movere = mouvoir). Accepter d’exprimer nos émotions et d’écouter celles des autres nous permettrait d’être plus authentiques.

L’homme a besoin de sens

L’homme n’est pas une machine ou un simple exécutant.

Nous avons tous besoin de savoir pourquoi et pour quoi nous avançons dans telle direction ; quel est le sens de notre mission, globalement et le but de nos activités, chaque jour ? Quelle est l’importance de notre contribution ?

Sans vision ou si le sens commun n’est pas partagé, chacun se donne une direction, une justification, qui souvent sert des intérêts individuels ; puis il finit par se retrouver en « déshérence », s’interrogeant sur sa propre utilité.

Le rôle du manager est clé, puisqu’il est lui-même un « responsable porteur de sens » (Je vous renvoie à l’ouvrage de Vincent LenhardtLes responsables porteurs de sens, Vincent Lenhardt, à ce sujet) ; et ceci est d’autant plus vrai pour les jeunes générations qui refusent de travailler sans savoir pour quoi.

L’homme est un être social

Maslow définissait déjà en 1943 qu’après la satisfaction des besoins élémentaires et de sécurité, l’homme cherchait à nourrir ses besoins affectifs et d’appartenance ; en gagnant l’estime de soi et des autres, il est capable d’épanouissement, donc de plaisir.

L’homme a, donc, besoin de créer du lien : il a besoin d’avoir des lieux d’échange et de partage pour exposer ses difficultés (sans être jugé), soumettre des propositions, s’enrichir de ses pairs, bref de coopérer dans une vision commune.

Les découvertes sur les neurosciences ont démontré que le cerveau, s’il ne se nourrit pas de nouveauté, d’interactions, s’atrophie et s’appauvrit. Echanger une connaissance avec autrui, partager, transmettre, co-créer, aider les autres…. sont des activités qui permettent donc à une personne de se développer.

Elle éprouve alors la sensation d’exister, la satisfaction d’être utile et reconnue ; elle ressent ainsi du plaisir.

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Plaisir et liberté, les clés de la performance durable ?

 

 

Une enquête, qui a donné lieu à un ouvrage plein d’optimisme et d’humanismeLiberté & Cie, Isaac Getz, Brian M. Carney, démontre que le plaisir et la performance au travail s’obtiennent aussi grâce à la liberté donnée aux collaborateurs.

  • canstockphoto4076817Par liberté, on entend un partage des pouvoirs, une autonomie accrue de ceux qu’on nomme les exécutants par rapports aux chefs ;
  • Cette autonomie se caractérise par la liberté de définir leur façon de travailler, leurs procédures de travail, leur rythme… (équipes auto-organisées)
  • Cette liberté s’exerce, également, en proposant des améliorations et en faisant preuve d’initiative individuelle, sans risque de découragement.

 

Liberté -> Responsabilité -> Engagement -> Qualité et performance -> Bonheur

 

D’ailleurs, selon une étude menée par le psychologue du travail Yves ClotLe travail à Cœur, pour en finir avec les risques psychosociaux, Yves Clot, « Il n’y a pas de bien-être sans bien-faire » :

  • autrement dit, le souci du travail bien fait est une source de bien-être,
  • et par conséquent, la meilleure prévention contre les « risques psychosociaux » et le stress,
  • et, sans aucun doute, un premier remède à la crise.

Et finalement, tout le monde peut tirer profit de cette réciprocité.

 

Lire la 2ème partie de cet article : « L’Agilité, levier de changement de paradigme managérial ? »

 


A visionner, en complément

Conférence Agile Tour Paris 2012 : Ouverture et Keynote : « Humanisme et Agile : Fin d’un Paradigme Managérial »